Doukki Gel

La ville égyptienne de Doukki Gel, fondée par les pharaons de la XVIIIe dynastie, est occupée de 1450 av. J.-C. à 400 ap. J.-C.

La ville a succédé à l’antique capitale du royaume de Kerma, située à un kilomètre plus au sud. Depuis une dizaine d’années, elle a fait l’objet de fouilles archéologiques qui se concentrent en particulier sur le quartier religieux, formé de plusieurs temples, d’une chaussée processionnelle longue de 70 mètres, d’un bâtiment palatial, ainsi que de murs d’enceinte à petits bastions rectangulaires. Deux grands puits aux fonctions essentiellement cérémonielles font également partie de ce complexe religieux. Le puits nord possède un très large escalier établi sur un socle de pierres dont la maçonnerie est caractéristique du Kerma Classique. Les deux accès du puits sud, situés à des niveaux différents, sont souterrains et voûtés. Ils ont probablement été aménagés au travers des vestiges d’un sanctuaire désaffecté du début de la XVIIIe dynastie.

A l’ouest et au sud du quartier religieux se trouvent les dépendances des temples napatéens et méroïtiques. Elles réunissent tous les ateliers et magasins nécessaires à la production des offrandes de pain, bière et viande. Les pains étaient confectionnés dans des moules en terre cuite, dont les restes ont fini par former une colline impressionnante qui a donné son nom au site, Doukki Gel signifiant littéralement « tertre rouge ». La nécropole contemporaine n’a pas été retrouvée, à l’exception de quelques tombes mises au jour dans la ville moderne de Kerma.

La "cachette" de Doukki Gel

En janvier 2003, lors du dégagement d’un temple, la fouille d’une fosse contenant 40 fragments de statues en granit noir confirma l’importance du site. Il s’agissait d’une favissa, où des sculptures vénérées avaient été déposées à l’abri et avec précaution. Les statues avaient été brisées sciemment, de manière à détruire le « pouvoir » des pharaons représentés : elles sont toutes cassées au niveau de la tête et des jambes, parfois ce sont aussi les bras, les étuis mékes, le nez ou les uraei.

Les statues monumentales sont au nombre de sept. Elles représentent les deux derniers rois de la XXVe dynastie, Taharqa et Tanoutamon, ainsi que trois de leurs successeurs, Senkamanisken, Anlamani et Aspelta, identifiés notamment par les inscriptions gravées sur le pilier dorsal. Cette découverte permet également d’assurer que le site de Doukki Gel correspond bien à la ville antique de Pnoubs, chaque statue comportant la mention d’ « Amon de Pnoubs », une des hypostases majeures de l’Amon kouchite.

Tanoutamon et Senkamanisken sont chacun figurés deux fois. La plus grande est celle de Taharqa (270 cm), la plus petite celle d’Aspelta (123 cm). Le granit est poli avec soin, mais certains détails du vêtement, de la parure ou du bonnet sont piquetés. Ce traitement assurait une meilleure adhérence aux pigments et au tissu recouvert d’une fine couche de plâtre doré à la feuille.

Ces sculptures des « pharaons noirs » enrichissent nos connaissances sur une période dont peu de témoins avaient été reconnus à Doukki Gel. Le site prend d’autant plus d’importance que des comparaisons sont aujourd’hui possibles avec la cachette découverte par George A. Reisner en 1916, au pied du Gebel Barkal. Plusieurs années ont été nécessaires pour étudier et restaurer ces statues, brisées vraisemblablement durant le raid destructeur de Pasmmétique II en Nubie, peu avant 590 av. J.-C.

Pour en savoir plus, consultez les publications de C. Bonnet (archéologie), de D. Valbelle (épigraphie) et de P. Ruffieux (céramologie).