RECHERCHE

HISTORIQUE DES RECHERCHES

MENTIONNÉ DANS LES RÉCITS DE VOYAGE DÈS 1820, LE SITE DE KERMA A FAIT L’OBJET DE PREMIÈRES FOUILLES ENTRE 1913 ET 1916, AVANT QUE LA MISSION ARCHÉOLOGIQUE SUISSE DÉBUTE SON PROGRAMME DE RECHERCHES EN 1977.

Le site archéologique de Kerma doit sa réputation à deux monuments en briques crues, signalés par les premiers voyageurs européens dès 1820. Les descriptions et les dessins de ces explorateurs, notamment F. Cailliaud, L. M. Linant de Bellefonds et K. R. Lepsius, constituent toujours des documents de premier ordre. A cette époque déjà, ces massifs énigmatiques sont appelés d’un terme nubien, Deffufa, utilisé pour définir un ouvrage d’une certaine hauteur bâti en briques crues. Mais le site ne devient véritablement célèbre qu’à la suite des fouilles effectuées entre 1913 et 1916 par George Andrew Reisner Lien externe (1867-1942). Il y identifie une culture originale à laquelle il donne le nom de la ville moderne située à proximité.

Arrivé en Haute Nubie afin d’explorer une région encore méconnue archéologiquement, l’égyptologue Reisner découvre les vestiges de maisons en brique crue sur la rive est du Nil, ainsi que les ruines des deux Deffufa. Il pense avoir trouvé une ancienne place égyptienne de commerce en Nubie, la Deffufa occidental représentant la résidence fortifiée du «gouverneur général» égyptien. Quant à la seconde Deffufa , située dans la nécropole orientale, elle est interprétée comme une chapelle funéraire servant aux cultes de personnages importants, enterrés dans les plus grands tumulus. Les biais égyptocentriques et les préjugés culturels du XIXe induisent Reisner en erreur. Fasciné par la richesse du site, il ne pouvait l’imaginer être l’oeuvre d’une civilisation indigène nubienne. Kerma était alors considéré comme un poste de commerce éloigné, dirigé par des Egpytiens qui avaient su stimuler le développement de la région. Son interprétation, contestée avant même la publication finale de ses travaux en 1923, notamment par l’Allemand Hermann Junker, resta néanmoins dominante durant plusieurs décennies.

Après de nouvelles découvertes concernant la culture Kerma dans les années 1970, la Mission de l’Université de Genève, sous la direction de Charles Bonnet, décide de mener ses propres recherches. Elle débute ses premières prospections sur le site entre 1973 et 1976. Bonnet est convaincu que le site n’a pas livré tous ses secrets. L’homme a l’expérience du Soudan, puisqu’il a déjà travaillé sur le site de Tabo (1965-1974), avec la Mission archéologique de la Fondation Henry M. Blackmer de New York et le Centre d’études orientales de l’Université de Genève. En 1977, il obtient la réouverture des fouilles, 61 ans après Reisner. Depuis, les investigations sur le terrain n’ont pas cessé, grâce au soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique, du Musée d’art et d’Histoire de Genève, ainsi que de divers fonds privés ou de subsides ponctuels. Ce nouveau projet a permis de mettre au jour la trame urbaine de la cité antique sur une trentaine d’hectares. Ces travaux sur la ville (fouillée entre 1977 et 2002) se développent en relation avec ceux sur la nécropole orientale contemporaine. Il est aujourd’hui admis que le site archéologique de Kerma est la capitale du royaume de Kouch dont les textes égyptiens mentionnent bien souvent l’existence. Cette civilisation représente un point de contact essentiel pour comprendre les relations entre l’Egypte et l’Afrique centrale, et c’est notamment une des raisons qui ont conduit Charles Bonnet a poursuivre ses recherches sur le site de Doukki Gel, lieu de la découverte des pharaons noirs.

Depuis 2002, la mission est dirigée par Matthieu Honegger, professeur à l’Université de Neuchâtel. Il ouvre de nouvelles perspectives de recherches dans la région. Le projet, soutenu par l’Université et par le Fonds national suisse de la recherche, s’étend alors à des zones jusque là inexplorées, surtout dans le désert à l’est de la vallée du Nil. Les prospections vont conduire à l’identification de sites majeurs pour la préhistoire de Haute Nubie. Chaque année, des fouilles sont engagées sur plusieurs sites, Pré-Kerma, El-Barga, Wadi El-Arab ou encore Boucharia, chacun contribuant à la compréhension du peuplement humain de cette région et des processus conduisant à une complexité sociale marquée finalement par l’émergence du royaume de Kerma.

OBJECTIFS DE LA MISSION

OBJECTIFS GÉNÉRAUX / OBJECTIFS SPÉCIFIQUES, PROPRES À CHAQUE SITE FOUILLÉ

L’origine de la ville

Le premier objectif de la mission est de développer une étude scientifique sur la région de Kerma, notamment sur les processus d’urbanisation dans ce secteur central de la Nubie. Elle mène chaque année des fouilles sur plusieurs sites d’époques préhistorique et historique.

La complexification de la société

Les recherches sur les sites épipaléolithiques, néolithiques, Pré-Kerma et Kerma permettent d’élaborer de véritables scénarios sur les principales transformations sociales et économiques qui interviennent au cours des millénaires, et qui conduisent au développement du royaume de Kouch. Sédentarité, élevage, agriculture, croissance démographique, inégalités sociales et émergence des premières cités sont des éléments essentiels pour comprendre la dynamique de la région de Kerma.

La sauvegarde du patrimoine

La mission contribue également à la sauvegarde des vestiges les plus importants de la région, notamment ceux des villes de Kerma et de Doukki Gel, où ont été découvertes les statues des «Pharaons noirs». Ces sites exigent d’importants travaux de restauration, afin de les rendre accessibles au public et de les préserver pour les générations futures. Le Musée de Kerma a pour mission de rendre visible à un large public la richesse du patrimoine de la région.

OBJECTIFS DE LA MISSION

OBJECTIFS SPÉCIFIQUES, PROPRES À CHAQUE SITE FOUILLÉ

Doukki Gel

Il s’agit de comprendre l’organisation et le développement du quartier religieux, ainsi que l’évolution des systèmes de fortifications qui le ceinturent. L’étude de ce site permet de retracer les différentes étapes de la conquête égyptienne et la transition entre la fin du royaume de Kerma et le début du Nouvel Empire. Elle permet aussi de saisir le développement de la ville au cours des périodes napatéennes et méroïtiques (8e s. av. J.-C. - 4e s. ap. J.-C.).

Ville de Kerma

Les divers travaux scientifiques qui ont succédé à la fouille de la ville, achevée en 2002, ont déjà permis de saisir l’urbanisation de la capitale du royaume Kouch. Un livre retraçant l’histoire de la ville est actuellement en préparation.

Cimetière oriental de Kerma

La reprise des fouilles du Kerma Ancien, dans la partie septentrionale de la nécropole, vise à saisir les origines du royaume et les relations avec le groupe C. Elle permettra également de comprendre le fonctionnement d’un secteur fouillé intégralement et de compléter le catalogue général sur la nécropole, actuellement en préparation.

Pré-Kerma

Les fouilles se poursuivent dans le but de suivre l’enceinte, révélatrice de l’extension de l’agglomération. Des prospections sur le cimetière et dans la région ont également pour objectif d’identifier d’autres habitats ou sépultures liés à cette culture.

El-Barga

Les fouilles se sont terminées en janvier 2008. L’objectif est maintenant de se consacrer à la publication de la cabane épipaléolithique d’une part, et des cimetières épipaléolithique et néolithique d’autre part.

Wadi El-Arab

L’objectif est d’étudier la dynamique de peuplement au début de l’Holocène dans la région. L’intérêt principal du gisement est de livrer une succession d’occupations stratifiées couvrant deux millénaires (8200-6200 av. J.-C.). Ce site livre notamment des informations précieuses sur les origines du pastoralisme en Afrique.

Boucharia

L'intérêt majeur du site réside dans sa datation et dans le fait qu'il livre de la céramique. Il s'agit en effet de la plus ancienne production de poterie connue au Soudan (8300 av. J.-C.). L'extension de la zone fouillée fournira de plus amples informations sur le contexte et sur les relations possibles avec les poteries sahariennes contemporaines

RÉSUMÉ DES CAMPAGNES DE FOUILLE

La campagne de fouille 2008-2009 s’est déroulée du 30 novembre 2008 au 2 février 2009. Elle s’est concentrée sur la fouille de 4 sites.

Doukki Gel

Poursuite des dégagements dans le quartier religieux, notamment dans le secteur du temple circulaire et sur les vestiges de fortification.

Nécropole orientale de Kerma

Reprise des fouilles dans les secteurs du Kerma le plus ancien, pour mieux saisir l’organisation spatiale des tombes et les conditions de mise en place du Royaume de Kerma (Kerma ancien, groupe C.). Une étude paléoanthropologique est amorcée sur ces secteurs anciens et une base de données des tombes est en cours de création.

Agglomération Pré-Kerma

Poursuite de la fouille des fortifications pour définir l’extension de cet établissement proto-urbain.

Wadi El-Arab

Dégagement d’un secteur à vocation funéraire, avec des sépultures datées entre 7000 et 6500 av. J.-C. ; probablement les plus anciennes sépultures néolithiques du continent.

L’équipe a également travaillé sur la restauration et la préservation des principaux sites archéologiques

Restaurations des escaliers de le Deffufa occidentale construction de murs en terre et de talus, dans le but de protéger le cimetière oriental des destructions dues au passage de véhicules et à l’extension des champs cultivés.

RÉSUMÉ DES CAMPAGNES DE FOUILLE

La campagne de fouille 2009-2010 a débuté le 4 décembre 2009 et s’est terminée le 2 février 2010. Une nouvelle maison de fouilles a été construite et inaugurée, et les recherches se sont concentrées sur les 3 principaux sites en cours de fouille

Doukki Gel

Poursuite des dégagements des secteurs occidentaux du complexe religieux, avec la volonté de comprendre les établissements de l’époque de Thoutmosis Ier et les transformations de Thoutmosis III.

Nécropole orientale de Kerma

Poursuite des fouilles dans les secteurs du Kerma le plus ancien, pour mieux saisir l’organisation spatiale des tombes et les conditions de mise en place du Royaume de Kerma (Kerma ancien, groupe C.). Poursuite de l’étude paléoanthropologique.

Wadi El-Arab

Recherche de vestiges d’habitat, datés vraisemblablement entre 7000 et 6500 av. J.-C.

RÉSUMÉ DES CAMPAGNES DE FOUILLE

La campagne de fouille 2010-2011 est prévue du 15 décembre au 3 février 2011. Les recherches se poursuivront sur les 3 principaux sites.

COLLABORATEURS

DIRECTION
Professeur Matthieu Honegger

Directeur de la mission depuis 2002
Institut d’archéologie
Université de Neuchâtel
Laténium - Espace Paul Vouga
CH-2068 Hauterive

Professeur Charles Bonnet

Directeur honoraire, co-responsable du projet Membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 17, ch. Bornalet, CH-1242 Satigny

EQUIPE
Anthropologie

Camille Fallet, Université de Neuchâtel Dr. Christian Simon † et Dr. Jocelyne Desideri, Département d’anthropologie et d’écologie, Université de Genève

Archéozoologie

Veerle Linseele, Katholieke Universiteit Leuven Professeur honoraire Louis Chaix, Museum d’Histoire Naturelle, Genève Stine Rossel † Université de Copenhague

Céramologie

Kerma : Dr. Béatrice Privati et Philippe Ruffieux, Service cantonal d’archéologie, Genève Préhistoire : Dr. Maria Carmela Gatto, Université de Yale Chrystel Jeanbourquin, Prof. Matthieu Honegger, Université de Neuchâtel

Epigraphie

Professeur Dominique Valbelle, Titulaire de la Chaire d’Egyptologie, Université de Paris IV-Sorbonne

Collaborateurs scientifiques

Bastien Jakob

Doctorants

Jérôme Dubosson, Camille Fallet, Hélène Delattres, Marc Bundi, Université de Neuchâtel

Etudiants (Master)

Laure Prétôt

Géologie

Michel Guélat, IPNA, Université de Bâle Dr. Bruno Marcolongo et Nicola Surian, Instituto di Geologica applicata, Université de Padoue Dr. Martin Williams, University of Adelaide

Photographie

Jean-Michel Yoyotte CNRS
Nicolas Faure, photographe indépendant

Secrétaires scientifiques

Nora Ferrero, Jérôme Dubosson, Philippe Marti

Sigillographie

Dr. Brigitte Gratien, Institut de papyrologie et d’égyptologie, Université de Lille

Techniciens de fouille, dessinateurs

Marion Berti, Daniel Conforti, Alain Peillex, Marc Bundi, Inès Matter-Horisberger, Patricia Jegher

Anciens collaborateurs

Aïxa Andretta, Daniel Berti, Alfred Hidber, Gérard Deuber, Thomas Kholer, Sophie Maytan, Françoise Plojoux-Rochat, Pascal Rummler-Kholer, Jean-Baptiste Sevette

Site internet

Philippe Marti, Jérôme Dubosson, Clément Vorlet, Université de Neuchâtel

Graphisme

Magali Babey

Traduction anglaise

Caroline M. Rocheleau

COLLABORATEURS

COLLABORATEURS

Département des Antiquités et des Musées du Soudan (NCAM)

Abdel Rahman Ali (directeur)
El-Hassan Ahmed Mohamed (responsable des fouilles au Soudan)
Salah Eddin Mohamed Ahmed (responsable du projet archéologique Qatar-Soudan)

Raïs

Gad Abdallah, Saleh Melieh, Abdelrazek Omer Nouri, Idriss Osman Idriss, Khidir Magboul

Musée

Abdel Magid (conservateur du Musée de Kerma)
Shahinda Omer Ahmed (Université de Khartoum)

Les inspectrices et inspecteurs du NCAM Autorités de la Province du Nord et de la région de Kerma